-Bonjour, je… voudrais un verre de lait frais… s’il vous plait !

Un pas devant l'autre. Tu marches. Marches vers une autre contrée que tu te plais à explorer. Le décors est si différent de Crimson, l'opposé question clarté même. Là où la noirceur de ton île est frappante, la luminosité l'est sur Holy Sword. Les gens aussi sont totalement différents. La population y est plus... agréable ? Normale ? Fréquentable ? Enfin, on ne peut pas dire que tu sois tout ça de toute façon. C'est justement ce qui t'amuse, tu ne vois plus autant d'innocence dans une foule depuis ton arrivée. Et puis les gens sont naïfs par ici et tu aimes profiter de ce trait de caractère. Bref, le paradis pour toi et ta folie sanguinaire. Tu arpentes donc ton île et te rends à la zone de liaison avec la Mairie. C'est bien connu, il est obligatoire d'emprunter ce chemin vu qu'il est le seul et unique. Ta patience te joue des tours. Ce n'est pas très long pour changer d'île mais juste assez pour toi. Tes pieds tremblent. Plus vite... Plus vite. Tu t'empresses de fermer tes deux yeux. Du calme. Tu ne dois pas t'emporter, tu le sais très bien. Le résultat ne serait ni bon pour toi ni pour le décors.

Tu parviens à apaiser ton esprit et reprends ton chemin. Te voilà enfin sur les terres magnifiques d'Holy Sword. Que comptes-tu faire désormais ? Juste te promener en ville en espérant ne pas croiser Joke, la responsable de la sécurité. Tu as eu plusieurs altercations avec elle à cause de ton comportement. Enfin, ce serait vraiment un manque de chance total que du tomber su elle. Tu pénètres ainsi dans la ville, confiant et t'arrêtes juste devant la taverne. Ce lieu te repousse... Le sang y coule lors des bagarres. Tu ne le supportes pas malgré son œil droit et évites donc d'y rentrer. Seulement voilà, tu ne contrôles pas tout le temps tes actions. Il arrive que ton cerveau s'embourbe, guidé par ta soif de sang et que tu ailles à la rencontre de ce liquide qui guide ton existence. Ton bras se tend et pousse la porte. Te voilà au pays de l'alcool qui coule à flot. Tu savais que tu n'aurais pas du rentrer ici...

À peine arrivé, tes spasmes commencent déjà à prendre le dessus. Sang. Tu regardes droit devant, les yeux pétrifiés. Deux hommes se frappent. Sang. Sol. Visage. Les gens hurlent joyeusement devant ce combat macabre. Ton oreille interne s'emballe. Tu vacilles. Ton corps entier perd pied devant ce liquide vermeille. Tu titubes. Arrêtez. Luttes. Arrêtez. Ta tête heurte un des murs de la taverne. Les secondes passent et les gouttes de sang affluent. Tu plaques tes mains sur ton visage, coincé par ta folie dans un angle. Un enfant au coin. Tu es impuissant. Impuissant devant la démence qui t'anime. Il est trop tard. Tu te retournes. Tes mains pendent le long de ton corps. Ton œil gauche est grand ouvert. Folie. Démence. Tu t'approches d'un des hommes en fixant le sang s'écoulant de ses plaies. Tes yeux reflètent l'amertume. Il fera un parfait sacrifice. Tu le libéreras du démon qui l'habite. Le sang. Purifie-le. C'est ta mission. Provoquer la saignée libératrice. Ta soif t'appelle à la barbarie. Ton pouvoir est déjà activé.

Tout s'arrête. Que se passe-t-il ? Tu tombes en arrière et assiste avec stupéfaction. Les deux hommes se relèvent et partent joyeusement ensemble boire. Hallucination ? Ta rage elle même a été dissipé. Cela ne t'est jamais arrivé jusque là. Tu regardes autour de toi. La taverne entière semble prise par le syndrome bisounours. Incompréhensible. Tu décides de te relever et d'aller t'asseoir à l'écart pour reprendre tes esprits. La catastrophe a été évité de peu. Les murs auraient été teinté de rouge, que cela soit par toi ou par eux. Avachi sur la banquette, ton regard toujours stupéfait se porte désormais sur la jeune femme présente dans le coin. Elle est à la table juste devant, face à toi. Qu'est-ce qu'une jeune femme à l'allure si fragile vient faire dans un endroit comme celui-ci ? Il te semble d'ailleurs que c'est depuis son arrivée que la salle entière a perdu la rancœur insufflée par les bouteilles d'alcool. Intéressant. Tu quittes ta place pour te mettre à la même table qu'elle. Tout cela t'intrigue, tu dois savoir.

-Toi là. Tu es la responsable de tout ça ?

En temps normal tu l'aurais déjà prise pour cible. Quiconque tente de te calmer dans ces moments est un ennemi. Tu es purement et simplement incontrôlable. Seulement voilà, sans tout à fait comprendre ce qu'il se passe, tu es revenu à la raison. Si elle est la responsable comme tu le penses, son don peut t'intéresser. Qui sait, peut-être pourrait-elle t'aider à contrôler ta phobie ? Cela t'éviterait de plonger dans ta transe lorsque tu es face à face avec ta peur.

-je… j-je… de quoi parlez vous ?

-Je ne suis responsable de rien, je ne fais rien… je… venue juste boire… mon verre de lait.

-Asseyez vous là, ne restez pas debout …

-je m’appelle Sen.

La panique prend la frêle jeune femme apeurée. Il est certain que tu n'es pas très avenant. Rien que ton cache-œil justifie le fait que l'on puisse t'éviter. La logique voudrait que tu n'ais rien en dessous mais ce n'est pas le cas, ton globe oculaire est toujours intact. Ceci dit, même en sachant cela et l'origine de sa présence, il serait encore plus déconseillé de t'approcher. Tu n'es pas ce que l'on peut considérer de "stable mentalement". Malgré son trouble, elle arrive cependant à te répondre quelque chose de semblable à "Je ne vois pas de quoi tu parles". Ton regard se crispe un peu plus devant sa candeur. Elle se moque de toi en plus... Tu es persuadé qu'elle est la responsable, cela ne peut-être personne d'autre. Tout est cohérent, il n'y a qu'une personne aussi tendre pour détenir ce genre de pouvoir "malfaisant". Rendre les gens appréciables, en voilà un sombre don. Rien que l'idée d'être contraint à l’amabilité te répugne. Tu refuses purement et simplement d'être un gentil homme soumis aux autres. Pourtant tu n'as actuellement pas le choix, bloqué dans une gentillesse qui crispe tes nerfs mais contre laquelle tu ne peux lutter.

La suite n'est pas mieux. Sa petite voix bégayante continue de se défendre contre ta froide approche. Elle est simplement venue boire un lait, que c'est mignon... Tu te redresses d'un coup, prêt à sanctionner sa timidité maladive... Mais rien. Tu te rassoies, contraint par la même force. Ton visage peine à avoir des expressions négatives. Il reste cloîtré dans le neutre, tiraillé entre ton esprit et son aura. Une lutte abominable pour toi. Devoir afficher un air dénué d'expression devant une si faible jeune femme... Elle te le paiera un jour. C'est sûre maintenant: Elle est la responsable et se moque ouvertement de toi. La jeune femme va même jusqu'à continuer de boire sous tes yeux. Tu es encore plus crispé de la voir aussi douce, commandant un autre verre. Tu n'as pas soif toi, tu n'as plus plutôt. Il y a deux minutes tu aurais bu par litre mais ce n'est désormais plus le cas. Ta soif inétanchable a trouvé apaisement.

-La façon dont tu te nommes ne m'intéresse guère. Je veux savoir comment tu as réussi à calmer l'ensemble de la pièce, moi y compris. Je ne suis pas dupe, j'ai bien vu que tu étais à l'origine de ce phénomène.

Neutre encore une fois. Tu aurais été agressif mais impossible. Peu importe pour le moment, tu tiens à savoir comment elle fait par intérêt. La faire arrêter son manège sera dans un autre temps. Encore faut-il qu'elle en soit consciente... Ça tu l'ignores, entêté dans ton hypothèse de "foutage de gueule". Tu ne peux concevoir qu'une personne n'ait pas connaissance de son pouvoir. Impossible. Si c'est le cas, tu la feras en prendre conscience. Ce n'est pas comme si tu comptais laisser passer une telle chance et un tel affront. Il reste l'éventualité qu'elle refuse et continue de s'amuser avec toi. Tu dois lui faire passer l'envie, quitte à retirer son cache... Il est préférable d'éviter mais si ça doit-être le cas, tu utiliseras ton pouvoir sur elle. Du moins si tu peux... Ce qui n'est hélas surement pas possible. Non, tu ne peux être piégé par une femme.

-Tu as intérêt de me dire la vérité sinon...

Tu ne peux finir ta phrase. La menace elle même te fut enlever. Peu importe, elle comprendra sans doute ce qu'il en est. Quoi que... Vu sa candeur et le fait qu'elle soit aveugle en matière de méchanceté, tu en viens même à douter. Comment une personne comme elle peut exister ? C'est presque surnaturel. Tu te mets à rire des nerfs. Le fameux "rire jaune" comme on l'appelle. Tu n'en peux plus, c'est certain. Tu es impatient d'entendre sa réponse pour savoir si oui ou non tu lui ouvriras les veines sur place... Enfin, que tu crois.

-Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez… je… ne vois pas comment je pourrais faire ça…

-Je suis une jeune fille comme les autres, qui essaie de vivre comme elle peut avec ses problèmes… je n’ai pas de pouvoir, je ne vois pas comment je pourrais en avoir…

-je vous dis toute la vérité… je… n’ai pas de pouvoir…

Tu commences à comprendre et te faire à l'idée : Cette jeune femme ne te ment pas. Son comportement ne peut-être créé juste pour te provoquer, pas à ce stade. Elle n'est donc vraiment pas consciente de son pouvoir. Comment est-ce possible ? Sans doute la trop forte immersion couplée à son caractère. La pauvre, si elle savait que la plupart des gens n'étaient gentils avec elle qu'à cause de son pouvoir. Tiens... Ceci te donne une idée plutôt méchante. Pourquoi ne pas tenter de lui faire ouvrir les yeux ? Cela serait une bonne vengeance ça. Le choc serait surement très troublant pour elle et tu aurais gagné ta journée. N'est pas connard qui le souhaite... Il faut savoir tirer avantage de la situation pour la retourner. Tu dois désormais trouver un moyen de la convaincre que ce que tu dis est la vérité. Cela ne sera sans doute pas chose aisé vu la façon dont elle est entêté. Au pire tu auras essayé et juste créer le doute te satisfera. Briser l'illusion même un court instant te rendra tes lettres de noblesses. Pour ce faire, tu la laisses finir de blablater en écoutant à peine la moitié et prend la parole à ton tour.

-Je ne sais pas ce que tu imagines mais tu es dans le faux. Tu as forcément un pouvoir, c'est obligatoire dans le jeu. C'est à cause de lui que les gens et moi même actuellement sommes gentils avec toi. Tu comprends ?

Tu es parfaitement calme toujours mais ça n'a aucune importance. L'information restera la même que tu le dises de façon énervé ou non. En plus de ça, tu échappes à la "censure de gentillesse" sachant que tu ne lui dis absolument que la vérité. Vu sa première expression, tu sais que ça ne marchera effectivement pas de façon définitive. Elle va rester dans son illusion. Tu espères juste qu'elle se transformera en doute pour satisfaire tes envies sadiques. C'est à peu près tout ce que tu pourras lui faire malheureusement. Il y aurait un tas d'autres façons de la tourmenter mais ton esprit n'est pas disposé à y penser. Pas avec elle à côté du moins. Tu te re-pencheras sur la question un de ces jours au cas où tu devrais la revoir. C'est une cible de choix : La candeur incarnée. La briser serait le châtiment le plus exquis que tu aurais pu faire. Tuer étant une purification du sang et donc un service.

-Je t'assure que la seule envie que j'ai actuellement est... de te faire un bisou sur le front.

Ta haine reprend le dessus vainement. Elle t'aurait fait dire avec joie un tas de choses sanglantes mais impossible. Tu commences à t'y habituer même si ça te déplaît fortement. D'ailleurs, tu as dit quelque chose de gentil dans la foulée. Tu faisais attention depuis le début mais celle-ci est passée au travers des mailles du filet. Pour lui faire voir la vérité en face, c'est bel et bien raté. Tu es lassé. Son pouvoir est à double tranchant mine de rien. Il l'emprisonne dans une cage. Les gens ne peuvent certes rien lui faire mais elle n'est pas exactement libre pour autant. Pauvre hirondelle, elle est aussi coincée que toi. La différence est que tu en es conscient toi.

-Je tâcherai de ne pas t'oublier en tout cas. Sois en sûre.

Tu te relèves, sûr que tu n'arriveras à rien. Ta patience jusque là n'était dictée que par une envie de te venger. Etant donné que ce n'est pas possible pour le moment, tu n'as plus aucune de raison de rester ici. Un signe de main qui aurait du être un doigt d'honneur vient clore la rencontre. Tu sors et retrouve doucement ta vraie personnalité. Une chose est sûre : La boucherie va commencer. Tu as un surplus de violence à évacuer. Tu avances donc vers le premier individu qui n'est autre qu'un PNJ en te coupant légèrement le doigt. La coulée de sang ne tarde pas à se changer en très fine lame sur ton doigt. Ta folie reprend. Tes yeux se lèvent vers le ciel. Le sacrifice peut reprendre. Ta lame se plante dans sa gorge et la tranche en deux. Seul un trou giclant du sang reste désormais du cou de ta victime. Pleure petit papillon, pleure. Tu devrais être heureux de te vider. Tes mains rentrent dans tes poches. Tu t'en vas, laissant la dépouille gisant au sol. Ton corps entier vibre. TIC...TOC.... Il y aura surement un chemin de cadavre sur ton passage...

-Mais ! Attends ! Je…

-je connais pas ton nom…