Le ciel tournait lentement vers les douces couleurs pastelles du coucher de soleil que la luminosité tombait à son tour dans les tons sombres et frais que la nuit apportait avec elle.
Pendant qui les ombres s'allongeaient sous les chaises et les tables, le bar avait des semblants horrifiques. C'était un drôle de fait, en effet, chaque fin de soirée, car alors que la pièce était illuminée par la clarté du jour, qu'il soit bleu ou gris, les sentiments de joie et de tristesse se fondaient dans l'ambiance calme et délicatement éclairée par les derniers rayons de soleil.
Pourtant, pour Red, la journée avait été définitivement épuisante. Arrivée derrière le comptoir, la serveuse posa le plateau vide avec désinvolture et le rempli à nouveau, pour la centième fois de la journée. Tant mieux Tant mieux. Le bar ne risquait pas de fermer. Mais il ne lui restait qu'une pauvre demi-heure de service. Et avec les cinq clients qui restaient, qui commandaient comme des soiffards. La jeune fille ne sentait pas qu'elle pourrait rentrer chez elle à l'heure voulue.
Son patron devait s'occuper dans la réserve de faire un inventaire complet de leur produit. Red avait bien essayé durant la journée de proposer l'échange des jobs mais un patron ne se change pas et au frais pendant la journée la plus chaude de la saison, dans la réserve, encore moins.
Prête à repartir à l'attaque armé de son plateau tenu par le bout de ses doigts, la serveuse livra un Delice Lorrain, une grenadine et une limonade boomerang. Ceci fait, et sans commande pour le moment, Red retourna derrière le bar pour profiter de son petit moment de détente. Elle leva le coude pour essuyer la sueur qui coulait sur son front et décida de se servir une petite récompense. La jeune fille attrapa une bouteille de bière au citron vert et en mélangea avec de la limonade. Peut être que si son service s'éternise elle pourrait se prendre un schweppes tonic' plus tard.
la serveuse, sirotant sa boisson fraîche, prit le temps d'observer sereinement le mur gris de la brasserie. Le reflet du verre rendait la couleur de celui ci très diversifiée comme si on avait déposé une multitude de guède à la place de la peinture grise.
La porte s'ouvrit dans le petit tintement de la clochette à l'entrée. Red leva la tête et un peu déçue, s'apprêta à se diriger vers l'homme avec son carnet de commande électronique. Au même instant, deux clients partirent.
Au final, non, Red prit son plateau et se dirigea vers les tables vide. Elle récupéra les verres et prit un chiffon pour nettoyer les tables une par une. Le délice Lorrain n'était même pas terminé. La serveuse emmena les verres derrière le comptoir et vida avec regret la délicieuse boisson encore fraîche. Quel gâchis.
Et dire que les robots n'étaient pas activés à cause de la chaleur. Ce n'était pas son boulot d'habitude de nettoyer les tables. Elle n'avait pas dû le faire aussi bien qu'eux.
Ceci fait, elle prit sa carnet de commande de sa main gauche et se dirigea vers son nouveau client.

La serveuse s'apprêtait à retourner derrière le comptoir. Elle s'imaginait déjà finir son panache, patientant dans le calme repos de la soirée après cette sacrée journée. Mais à sa surprise, Elle fut stoppé. Son élan de bonheur disparu dans le son de la voix de cet homme.
Et les clients avait semble-t-il bien choisit leur moment pour partir. En temps normal, Red affirme sans conteste qu'elle aurait été contente après une journée pareil. Mais à cet instant ses espoirs retombèrent dans les limbes. Alors qu'elle était sur le point de repartir, Red se retourna et fixa son client. L'anxiété monta en elle comme une jauge.
Elle n'avait pas envie de prendre une pause en fin de journée. A la limite elle aurait bien aimé en milieu de journée mais avec le monde qu'il y avait en début d'après-midi elle aurait eu peu de chance que ça arrive. Non, là, elle voulait rentrer chez elle. S'étaler sur son matelas et dormir parce que demain c'était un jour de congé! Oh oui les grasse mat'~ Mais pas le temps de rêvasser. L'homme semblait bien baraqué et elle ignorait très largement à qui elle avait à faire. Si il avait de l'influence. Car elle avait raison de s’inquiéter non? Les coïncidences n'existent pas. Et deux clients qui partent en même temps sans s'être assis à côté à l'entrée de ce personnage. Non, Red est une fille fragile, une fille stressée et dans la lune la plupart du temps, mais pas dupe. Elle n'avait jamais vu ça. Un client baraqué qui entre pour que deux partent. "Reste sur tes gardes Red" se dit elle intérieurement.
Raziel ? La jeune fille n'avait rien demandé mais elle avait un mauvais pressentiment. Le vouvoiement s'était envolé, tout comme les restes de son thé au jasmin.

"Je suis navré, je ne devrais pas discuter avec toi, ta seule envie serait de me voir déguerpir fissa pour pouvoir rentrer chez toi. Quelqu'un t'y attend ou alors tu veux juste te reposer. "

Dans le mille. Red desespèra intérieurement. Elle connaissait son prénom: Raziel. Mais elle ne savait pas qui il était. Et tout ceci ne faisait qu'actionnait la marche rapide de son stress qui agissait sur les battements de son coeur.
Après avoir le rythme cardiaque de celui d'une petite souris, la serveuse leva délicatement la tête et joint ses mains devant elle, tombantes sur son ventre. Oui elle avait mal à l'estomac, non elle ne le dira pas.
Elle inspira doucement pour paraître calme et prête à le rembarrer. Elle n'avait pas l'intention de s'asseoir face à lui pour faire la fermeture de la brasserie. Certes, il était polie et sa voix mielleuse était bien agréable. Mais comparé aux apparences rudes qu'elle se donnait lors de son travail, ce n'était pas le premier coureur de jupons qu'elle croisait. Maintenant la question était, était-il un simple coureur ou est ce que cette histoire de défilade de la part des clients allait la mener à quelques choses de bien plus dangereux. La serveuse n'avait pas aimé cette façon avec laquelle il avait parlait de son patron. Qu'est ce qu'il en savait? En l’occurrence son employeur était bien plus sadique que sympathique et elle doutait que...Oh mince, si il continuait de commander elle ne pouvait pas renvoyer son client. Et son patron n'en serait que plus content qu'il commande, encore et encore. Et ce, peu importe les raisons. Des fois, Red avait vraiment envie de tuer son patron...
Mais elle ne se laisserait pas faire, elle était encore jeune et pleine d'énergie, elle n'allait pas dépenser cette énergie à stresser. Surtout que c'était un homme peut être dangereux.

- Red.

Suite à cette réponse certes sèche, mais claire, la serveuse repartie vers le comptoir et ressortie avec le même chiffon que tout à l'heure et se dirigea vers les tables vides.

- Pardonnez moi mais j'ai du travail. ajouta-t-elle avec une voix douce et polie comme celle qu'on toutes les serveuses exemplaires.

Elle passa le chiffon sur les tables avec un regard épuisé. Elle n'en pouvait plu. Respirant calmement, ralentissant les battements de son coeur avec une manière qui se voulait des plus anodine possible. "Encore un peu, tu peux y arriver" continue-t-elle de se répéter.

Raziel était convaincant. Red l'écoutait. Elle avait fini le nettoyer les tables. Elle prit les verres vides et jeta les quelques miettes qu'elle avait essuyé dans la corbeille. Que lui restait-il à faire ?Oui, fermer la brasserie. Il ne restait plus qu'eux deux. L'ombre des deux protagonistes s'allongeait prenant la forme de griffes. Les griffes de la nuit. Red releva la tête et suite au spectacle de dehors, elle se permit de s'approcher de la fenêtre et d'en observer chaque parcelle visible. Qu'il était bon d'oublier, et de faire comme si rien n'était grave.
Red. Beverleen n'avait pas choisit ce nouveau nom pour décrire sa chevelure rousse. Même si ceci à jouer sur l'idée. Car Red était le diminutif de desperados Red. Soit sa boisson préférée. Mais pourquoi prendre le nom de sa boisson préférée?Personne ne sera jamais. Car ça paraissait tellement évident que dans le fond personne ne viendrait creuser. Quand on est jeune on fait pleins d'erreurs. Il se propose trois solutions. Oublier, combattre,ou ignorer jusqu'à ce que ça nous retombe dessus. Red avait choisit d'oublier. Et, loin d'être alcoolique, la jeune fille, contre la loi, décidait un jour par mois de prendre quelques bouteilles de son père et goûter au goût fruité qui s'enflammait dans sa gorge. Red, n'était pas un simple nom, c'était un symbole. Et quand la serveuse avait atterri à Euphemia elle en avait eu grand besoin. Juste pour avoir un repère sur lequel se reposer.
Il ne devait être que vingt-et-une heures. Le soleil était tombé, et les réverbères enflammaient la grand place d'une couleur bleue pâle. Tout se portait à croire que l'atmosphère n'était pas de ce monde. Elle se sentait transporter dans une autre époque. Dehors, il flottait un brouillard opalescent caressant la ville de ses bras brumeux.
De la vitrine, Red fixait l'extérieur par plusieurs reprises pour éviter que Raziel ne la croit dans la lune. Elle voyait à l'horizon les immeubles se distinguer dans une ombre sombre et vaporeuse.
Raziel avait bougé. La serveuse entendit la chaise racler sur le carrelage du bar. Red se retourna brusquement sans penser à l'impression qu'elle donnait devant son client. Le bruit lui avait fait peur. A regret elle se résigna à se retourner pour reprendre son observation de l'extérieur et fixa Raziel. Il avait déposé une liasse de billet qui semblait énorme même dans l'obscurité. Alors que pendant ce temps, elle, devait être éclairait de toute part par la lumière des lampadaires de par la vitrine.


-Je vais peut-être te laisser..non?

Red hocha doucement la tête, assez inquiète de la réaction qu'il pouvait avoir. Cependant elle ne prit pas le temps de vérifier celle ci qu'elle se dirigea d'un pas qui se voulait le plus calme possible derrière le comptoir.  Malheureusement, c'était raté. Elle était arrivée trop vite au comptoir. Pourquoi il lui avait parlé des deux clients ? Pour lui montrer qu'il n'était pas méchant ? Un bon samaritain ?Pourquoi un honnête homme se trouvait avoir une telle somme d'argent sur lui? Instinctivement elle n'arrivait pas à lui faire confiance. On ne donne pas sa confiance au premier venu comme on ne donne pas sa confiance à quelqu'un qui fait fuir des clients et qui patiente jusqu'à la fermeture juste pour nous dire quelques mots. Ah, Red que t'imagines-tu ! La jeune fille secoua péniblement le tête à en avoir mal au crâne et choppa son sac sans plus rien penser. De la même manière que lorsqu'on ferme son esprit pour ne plus rien entendre car on sait que ça ne pourrait qu'aggraver son état. Son cœur la serrait, sa tête lui faisait mal, son souffle combattait l'acharnement qu'elle prouvait à vouloir respirer lentement par petites bouchées d'air.
En marchant vers la porte de la brasserie, Red repéra la petite liasse de billet qui semblait indiquer le pourboire et le prix du thé. En s'approchant, la serveuse sorti des billets le montant du thé et l'équivalent de cinq dollars pour son pourboire. Eh bien ? Red se fichait du système de dettes. Mais quarante cinq dollars? La jeune fille n'était pas prête à prendre une telle somme l'air innocent. Elle ignorait ce qu'il se passait dans la tête de Raziel et c'est pourquoi elle prit le soin, de laisser le temps à Raziel de récupérer son argent en ajoutant:

- Si tu veux avoir de la bonne compagnie, il faudrait que tu ailles au moulin rouge à, Crimson.

Red ne pensait pas avoir ditr ça méchamment. Mais elle avait manqué cruellement de tact et son visage exprimait très bien la once de remord lorsqu'elle se mordillat la lèvre inférieure.
A cet instant, elle pensa à Noire qui y travaillait. La pauvre, elle devait rencontrer bien pire qu'elle là bas.
Red prit son sac et sortie les clés de la brasserie pour ouvrir lentement la porte et, d'un signe de main, incita l'homme à sortir avant elle. Que de politesse!
Ainsi, pour la première fois depuis ce matin, elle respira l'air frais de l'extérieur. Bon dieu que c'était bon, se dit-elle.