Le temps changeait jamais, c'tait déprimant. Il était toujours égal à lui-même, là haut dans le ciel. Il faisait beau. Trop beau, toujours beau. L'lever et l'coucher de soleil étaient beaux, magnifiques, quand ils étaient haut percher dans le ciel. Tous les matins, la p'tite Eden, elle s'levait pour le regarder le lever de soleil. Du coup, elle était levée aux aurores, aux premières lueurs de l'aube. Et ça allait plutôt bien, parce que comme ça, la plupart des temps, elle pouvait faire des gateaux pour les gens qui passaient dans la journée. Elle aimait bien son p'tit boulot ici : faire des gateaux. Mais les sucreries, c'est bien un moment, puis ça devient trop. C'tait c'qu'elle se disait ce matin là, en regardant les reflets oranges, jaunes, roses se refléter sur les toits de sucres, les murs de pains d'épices et les meubles de guimauve. Qu'importait le temps qu'elle passait au milieu des sucreries à présent, la crise de foie était inévitable.

Alors aujourd'hui, elle avait décidé de changer d'air, d'aller voir ailleurs. Parait que c'était toujours mieux ailleurs ! On va tester, et on verra bien. De toute façon, aujourd'hui, elle devait pas travailler. Pas de commande. Elle fermait boutique, ça lui f'sait du bien. Elle avait que 16 ans, hein, faut pas l'oublier. Elle prit pas de parapluie - quel intérêt ? - mais s'arma fièrement de nu-pieds. Ouaip, des bleus. Ils allaient bien avec le p'tit short en jean et la chemise blanche. Sa cheveux de feu, toute ébouriffée au dessus de sa tête au réveil ? Elle l'avait vaguement tronquée par une queue de cheval - tout aussi ébouriffée - attachée par un foulard blanc. Là, elle s'était précipité dehors, oubliant pour quelques secondes ses craintes de la foule.

Joyeuse de faire autre aujourd'hui, elle s'tait précipité dans les rues, courant tranquillement, son sac tapotant son popotin au fil des sauts qu'elle faisait en gambadant. Ce fut quand elle bouscula quelqu'un qu'elle se rendit compte que c'était une mauvaise idée. Un cri perçant s'échappa de ses lèvres, tandis qu'elle sautait un bon faramineux. Le garçon bousculé la regarda comme une folle et partit. Tremblante, elle attendit qu'il parte, et put se remettre en route, cette fois-ci refroidie. Le tapis, il était pas bien loin d'chez elle, et elle y a été assez vite. La mairie, elle la regarda même pas. Elle aimait pas trop c't'endroit. Elle savait même pas pourquoi elle-même. Quelle île explorer maintenant ? La technologie en premier ! Si ça s'trouve, elle pourra même s'acheter un nouveau baladeur avant de retourner sur son île à elle. Un baladeur qui ressemble pas à un sucre d'orge, si c'possible.

Et à Hope Corp', elle se perdit dans les rues plusieurs fois. Elle avait réussi à éviter les gens. Quitte à passer parfois pour une folle en se frottant contre le mur pour arriver à circuler. Oui oui. Aplatie comme une crèpe sur le mur, je dis pas des bêtises. La serre, elle y arriva en début d'équivalent du jeu pour l'après-midi. Rongée par la faim, elle décida de s'asseoir quelque part et de manger son sandwich. Où s'asseoir, ce fut pas la chose la plus dure à trouver. Où s'asseoir sans personne à côté fut plus difficile. Et ça dura pas d'ailleurs - quelqu'un s'assit juste derrière elle, et son sac vint se poser contre son dos. Persuadée que c'était la personne elle-même, elle se mit à trembler de la tête au pied, les yeux fermés, complètemen crispée sur son pauvre sandwich. « Lâchez-moi. Lâchez-moi. Lâchez-moi. » qu'elle répétait, en boucle comme un disque rayé. D'abord doucement, gentiment. Mais la peur, elle est vicieuse. Alors sa voix augmenta de volume, et de timbre, virant dans les aigus.