La vie d’Elianne et Joseph était comparable à un film. Ce genre de film que certains traiteraient d’irréaliste par son exagération et le trop-plein de sentiments … Pourtant, lorsqu’ils se rencontrèrent et apprirent à se connaître sur les bancs de l’université, les deux étudiants furent véritablement frappés par cette étrange vérité. Ils s’aimaient.
Ça encore, c’était gentil. Leurs parents n’auraient eu aucune raison de se fâcher s’ils n’avaient pas décidé d’abandonner leurs études et de s’enfuir faire le tour de l’Europe main dans la main. Stupides héritiers animés par des sentiments qu’ils ne comprenaient pas. Ils n’avaient pas pris leur décision sur un coup de tête, pourtant. Dans le secret, le jeune couple avait enchaîné petits boulots sur petits boulots afin de se payer le camping-car de leur rêve.

Le temps passa et lorsque chacun empocha sa licence … Auf wiedersehen.

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Allongés sur le toit de leur maison à roues, doigts entrelacés tendrement, les deux jeunes gens admiraient ce ciel de Norvège rempli de vagues de couleurs. Certes, ils n’étaient pas étrangers à ce spectacle, mais il leur semblait aussi beau que leur première fois.
Voilà bientôt quatre ans qu’ils avaient pris les routes ensemble et qu’ils ne s’étaient jamais autant amusés. Ils avaient vu de nombreuses choses, visité de nombreuses villes, rencontré de nombreuses personnes … On aurait pu penser le couple comblé. Cependant, à leur vie de bohème manquait bel et bien quelque chose.

Tout doucement, Elianne approcha sa tête de Joseph et lui murmura dans un souffle glacé qui, pourtant, embrasa son cœur :

« Je suis enceinte. »

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Le soleil était haut dans le ciel, boule de feu dans l’océan bleu. Le temps idéal pour étendre le linge. Une légère brise faisait doucement balloter les draps, alors cabane de fortune pour mères et enfants. Les deux petits faisaient d’ailleurs la sieste sur les jambes engourdies des deux femmes, occupées à se raconter des histoires à coup d’albums photos.
Cela faisait un peu plus d’un an qu’Elianne et Joseph étaient revenus dans ce village qu’ils avaient déjà eu la chance de visiter ; En Suisse, non loin de Lucerne. Ce fut ici qu’ils décidèrent de revenir pour fonder leur petite famille. Vendu le camping-car ! Dorénavant : bonjour la petite voiture d’occasion, les alliances et la maison sans doute trop grande pour trois. Mais, trois, ils n’allaient pas le rester bien longtemps.

« Mais quand même, vous avez vu tellement de choses, c’est formidable ! Ça ne va pas vous manquer ? »

Un grand rire échappa à Elianne, vite camouflé par sa main pour ne pas réveiller Franziska et Grigor. Quand le couple Jung prenaient des décisions, ils ne regrettaient jamais, non. Ils s’aimaient eux deux tout autant que leur vie, quelle qu’elle fût. Même si ce n’était pas toujours facile, que trouver un travail fixe ne se faisait pas aussi vite qu'on le souhaiterait … Mais bon.
Katrine posa une main timide sur le ventre rond de son amie. Même si elle l’avait elle-même vécu pour son fils, ça restait tout de même un phénomène particulièrement étrange.

« Et tu crois que ce sera un garçon ou une fille ?
- Nous verrons bien le jour de sa naissance ! »

Et un, deux, trois …

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Le plat de la règle en bois s’abattit dans un fracas autoritaire sur la table de la cuisine. Crayons et feuilles blanches qui y étaient amoncelés se mirent à trembler en cœur. Genoux sur la chaise pour se grandir, la demoiselle aux couettes brunes ajusta les double-foyer sur le bout de son nez avant de hausser le ton :

« C’est moi qui commande aujourd’hui, alors vous m’écoutez ! C’est l’heure de dessiner alors tout le monde dess-… Qu’est-ce que tu fais, toi, m’approche pas ! »

Voulant éviter de se recevoir un coup de marqueur noir sur sa joue, Franziska fit un mouvement brusque vers l’arrière ; ce qui eut pour conséquence de faire tomber, elle et son trône, à la renverse. La criminelle, qui ne pouvait répondre qu’au doux nom de Judith, éclata alors d’un grand rire, se tenant les côtes face à son aînée. Celle-ci s’était mise à rouler et se cogna sur le buffet qu’elle ne put évidemment pas voir à cause de ses lunettes. Ces rires furent accompagnés par ceux de la petite Karen qui agitait des petits papiers telles des fanions ainsi que du soupire habitué d’Iva. Descendant de son siège, la brunette bouclée se dirigea en trottinant jusqu’à ses aînées :

« Vous allez réveiller Madame Besse … Et rends lui ses lunettes, Zika, tu vas les casser …
- Elle ne bouge pas depuis tout à l’heure, elle doit être morte.
- D-dis pas de conneries !
- Oulalah, encore un gros mot, tu mérites d’être punie, bwahahaha ! »

Alliant le geste à la parole, Judith faillit faire usage de son marqueur … Mais heureusement, autant pour la première que la deuxième de la fratrie, leur cadette eut la bonne idée de le lui confisquer vivement et de se placer entre elles.

« C’est indélébile, ça se fait pas ! Arrêtez les bêtises, c’est complètement idiot …
- C’est pas moi, c’est elle.
- Je voulais juste lui faire une moustache !
- Tu vas voir où je … »

De son côté, Chloé terminait de tracer son tourbillon orange et partit à présent en quête du bleu. Cependant, ses yeux furent attirés par du mouvement à la fenêtre … Elle resta immobile, continuant de fixer la vitre, jusqu’à ce qu’un bruit de porte dans le couloir d’à côté ne retentisse, accompagné d’un éclat de voix pas tellement inconnu :

« Les fiiiiilles ! »

La joute verbale des aînées cessa en même temps que cette arrivée tombée du ciel. Intérieurement, les bras faisant toujours barrière dans l’œil du cyclone, Iva lâcha un long soupir de soulagement. Persuadée que ça devait aller, à présent, elle se dirigea rapidement vers la table pour prendre Karen dans ses bras et Chloé par la main pendant que les deux autres ne tardèrent pas à sauter dans les jambes de Joseph, pétillantes de joie :

« Alors alors alors, maman va bien ?
- Notre petite sœur va bien ? Elle est pas comme Judith, h-AOUTCH, mais ça fait mal pu-AIEUH ! »

S’exclama-t-elle, l’oreille tirée d’un côté par Iva et la couette de l’autre par Judith. Elle ne put malheureusement pas répliquer, prise avec ses sœurs dans la large étreinte d’un père amusé :

« Haha, calmez-vous demoiselles ! Comme d’habitude, maman a assuré. Cependant, ce n’est pas le cas de votre petite sœur … étant donné que c’est un petit frère. »

Le silence se fit dans l’assistance le temps que l’information ne soit parfaitement digérée.

« … Mais, Franziska, que fais-tu avec les lunettes de Madame Besse … »

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« Les enfants, aujourd’hui on accueille un petit nouveau dans notre groupe. Comme d’habitude, soyez gentil avec lui ! Vas-y, présente-toi. »

Face à tous ces regards curieux tournés dans sa direction, l’analysant du sommet de son crâne au bout de ses pieds nus, le garçon de huit ans ne se laissa pas démonter. Il était tout à fait conscient que l’étiquette du petit nouveau clignotait avec insistance sur son front … Mais bientôt, et sans doute beaucoup plus tôt que n’importe qui ici pouvait l’imaginer, il réussirait à s’en défaire avec élégance.
Enfin, pour l’heure, il devait saluer et donner son nom. Deux tâches bien simples qu’il ne tarda pas à appliquer après une brève révérence qu’il s’était entraîné à reproduire ce matin encore.

« Bonjour. Je m’appelle Octav … Wanzenried. »

L’annonce de son patronyme n’engendra pas plus d’émoi dans les yeux de ses nouveaux petits camarades qui, en chœur, lui rendirent ses salutations. « Malheureusement » aurait-il pu penser, mais « heureusement », en fait. Son ardoise était vierge, il pouvait être tout ce qu’il voulait sans avoir à porter le poids de la réputation familiale. Pour eux, il serait Octav. Tout simplement, Octav.

Très vite, le petit garçon trouva ses marques sans grandes difficultés. Dans l’ensemble, on pouvait dire que tout se passait à merveille dans le nouvel environnement que composait le club de danse. Il avait fini par identifier à peu près les membres de son groupe et n’avait pas non plus oublié de leur ajouter une petite note mentale … Pas tant pour des jugements, mais bien pour savoir où il devait mettre les pieds sans crainte de casser des œufs. Après, Octav n’était pas non plus un symbole d’expansion. Malgré tout ce qu’il pouvait se passer sous ses courts cheveux sombres, il n’y paraissait rien de l’extérieur. En fait, la plupart murmuraient encore sur la seule chose qu’il laissait à la vue de tous : sa carapace mystérieuse. Pourtant ce n’était pas les efforts qui manquaient autant d’un côté comme de l’autre afin de mieux faire connaissance … Un problème de réception qu’il n’avait cependant pas remarqué, trop occupé à se dire que tout allait bien.
Certains avaient plus d’expérience que d’autre dans son groupe, c’était certain. Parmi eux, et il fallait dire que ce n’était pas difficile non plus, Octav avait fini par remarquer plus particulièrement une fille de son âge, sans doute. Il avait compris qu’elle était inscrite depuis très jeune dans le club, ce qui se voyait à travers ses mouvements qui, malgré leur impétuosité certaine, n’étaient pas totalement animés n’importe comment. Le fils Wanzenried s’était alors dit que s’en approcher et essayer de s’inspirer pourrait l’aider à évoluer, lui aussi … Malheureusement, cette même personne était d’un naturel très énergique. Mais, vraiment, trop énergique. En fait, elle lui faisait un peu peur. Légèrement. Le sentiment qui s’agitait en lui était tellement bizarre … Du genre qu’il n’avait jamais ressenti auparavant. Ce qui le perturbait d’autant plus. Des fois, il prenait un temps pour réfléchir et se demander : Mais pourquoi ? Ne trouvant malheureusement pas de réponse à sa question en restant dans son coin, Octav finit par se dire qu’il fallait prendre le taureau par les cornes. Qu’il était stupide d’avoir peur d’une fille sans aucune raison apparente. De plus, ce n’était pas par la fuite qu’il voulait régler ses problèmes.
Le jour où l’un des exercices devait se faire en duo, le garçon saisit sa chance en plein vol. Avec une spontanéité qui surprit autant l’intéressée que tous les autres enfants, Octav fit ainsi sa demande :

« Gaelle ? Tu voudrais qu’on fasse équipe aujourd’hui ? »

Plisser des yeux fut de mise afin d’éviter tout aveuglement à cause du large sourire de la demoiselle. Elle accepta avec un drôle d’enthousiasme décontenançant … Une véritable arme de destruction massive. Au moins, il avait fait le premier pas. Alors soit il réussissait, soit il explosait. C’était clairement quitte ou double.
Travailler avec Gaelle s’avéra être quelque chose d’encore plus bizarre que ce qu’il s’était imaginé. Alors qu’ils suivaient les consignes de l’intervenant, leurs mains se touchaient et leur danse avançait avec justesse. Aucun pied ne s’emmêla et sa partenaire du jour trouva même la possibilité de bavarder. Elle s’enquit sur son bien être dans le club, gonfla son ego par des compliments … Non, Gaelle était vraiment gentille et il ne comprenait pas comment il avait pu en avoir "peur". Au contraire ; au plus proche d’elle, en cet instant, elle lui sembla être une véritable source d’apaisement.

Ce fut, en résumé, une très bonne expérience qu’il n’oublierait pas. Malgré ses drôles d’airs, elle était sérieuse pendant les exercices et ça aurait sans doute été avec plaisir qu’il lui aurait de nouveau proposé de danser avec lui … Si …

…

« Octaaav, on se met ensemble aujourd’hui ?
- Eh … Non, merci.
- Hein ? Pourquoi ?
- Ben … Gael … Tu … Tu es un garçon …
- Euh, ouais … ? Mais la dernière fois …
- Écoute, je … Je croyais que tu étais une fille. Et je … Bref, je ne veux pas danser avec toi aujourd’hui, désolé. »

…

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[ ... SUITE EN COURS ... ]