La journée avait commencé, banale, comme beaucoup d'autres depuis son arrivée à Euphemia ; et comme beaucoup d'autres encore, Rose prenait sur son temps libre pour se promener, se détendre, rendre visite à des amis et d'autres choses encore. Si Mademoiselle n'était pas du genre à organiser son emploi du temps à la minute près, elle aimait malgré tout avoir une idée globale de la manière dont elle se dérouler sa journée. Ici, pourtant déterminée à ne pas rester enfermée chez elle, Rose avait fait une pause perplexe devant la feuille décorée de coups de crayons roses, verts, bleus et orange. Sur le « i » de Crimson District, un trait ressemblant à s'y méprendre à un gros point d'interrogation.
Bon, que faire ?
D'ordinaire, se rendre sur l'île la plus... disons « animée » d'Euphemia ne la dérangeait pas tant que ça. C'était mouvementé, pas forcément bien fréquenté, mais la police faisait de son mieux et elle ne s'était pas encore fait agresser jusque là. Partisane de l'effort tant qu'il ne s'appliquait pas à quelques domaines auxquels elle se réservait la discrétion et la faiblesse la plus stricte, Rose se forçait à ne pas craindre d'y poser un pied. Tout ira bien, tu verras, c'est idiot d'avoir peur, et autres phrases censées annihiler la peur que lui amenaient certaines réflexions comme : oui mais il n'y a pas un policier à chaque coin de rue et même les policiers ne sont parfois pas très gentils.
Elle qui se tenait relativement informée était au courant des tensions grandissantes entre les Gms et tous les événements sordides ayant secoués Euphemia depuis quelques temps. Il ne faisait pas bon se promener entre les îles, visiblement, même si la loi se durcissait principalement autour de Crimson District et Hope Corporation. Il n'y avait à priori aucune raison qu'on la refoule à l'entrée ; franchement, avait-elle l'air de transporter des bombes dans son sac à mains ?
Rose n'aimait pas qu'une inquiétude stupide vienne lui gâcher sa journée ou sa bonne humeur, aussi posa-t-elle son crayon à plat sur la feuille avec une volonté toute neuve. Tensions ou pas, elle allait aller à Crimson District, cela faisait trop longtemps qu'elle avait dédaigné les connaissances qu'elle y avait et qui lui manquaient malgré tout. Si elle avait de la chance, elle réussirait peut-être à tomber sur Julian ; pour des raisons évidentes, il lui causait plus de soucis que les autres.
[…]
Arrivée à l'entrée de l'île, la peur de se faire refouler revint hanter Rose, vite estompée lorsqu'elle put en passer le seuil sans le moindre ennui. Visiblement, les gâteaux qu'elle transportait dans son sac n'avaient même pas éveillés quelques soupçons ! Autant pour moi, songea la jeune fille en laissant son pauvre cœur retrouver un rythme normal. Ces temps-ci, les petits tracas et les plus grosses inquiétudes se liguaient pour lui mener la vie dure. Comme elle ne pouvait pas faire disparaître toutes les sources de son stress, elle devait faire avec, comme à la surface.
Allez, tout va bien se passer, hein ? Ce n'était pas comme s'ils s'attendaient à une attaque terroriste ou n'importe quel autre agression de cet acabit ; c'était une simple mesure de précaution, un simple contrôle de routine pour vérifier qu'aucun résident de Hope Corporation n'entre sur le territoire de Father. Elle ne pouvait qu'imaginer la même chose aux portes de l'île voisine. Quand même, et à cette pensée elle fixa le sol qui défilait sous ses pieds un long moment, que faut-il pour détériorer à ce point la relation d'un frère et d'une sœur...
Soudain tendue, elle se mordit l'intérieur des joues. Ce fut cet instant précis que choisit une agitée pour faire exploser une grenade à l'entrée de l'île et forcer le passage en hurlant quelque chose que Rose ne comprit pas sur le coup. A vrai dire et pour être tout à fait honnête, Rose ne comprit rien sur le coup. Il y eut des cris, encore des cris et une collision violente avec un objet non identifié tandis qu'elle se retournait pour voir de quoi il en retournait. Son sac heurta le pavé et elle fit un tour complet sur elle-même pour retrouver son équilibre, un carillon sonnant désagréablement dans un coin de sa tête.
« Ça ne va pas, non ?! »
Comme quoi il suffisait de penser aux attaques terroristes pour les retrouver à nos portes. Enfin, terroriste... Si elle avait tout su de l'histoire derrière cette agitation, elle en aurait bien ri.