✗ On a tous un passé :

« Je ne suis pas née ainsi. J'ai choisi de le devenir. »

Selena soupira pour au moins la trentième fois de la soirée. Les yeux rivés sur l'écran ennuyeux de sa télévision, elle assimilait ce qu'il lui renvoyait bien plus comme des images défilant sous ses yeux plutôt que comme de réelles informations. Son esprit était ailleurs, perdu dans les méandres des souvenirs qui l'avaient menée là, et elle ne pût s'empêcher de fermer les yeux sous l'agacement lorsque ses pensées se tournèrent vers sa jeune sœur, Alice. Depuis combien de temps avait-elle disparu de sa vie ? Depuis quand s'était-elle défaite de l'insouciance qu'apportait l'enfance ?

« Approximativement 16 ans maintenant... »

Sa jeunesse n'avait été qu'un berceau de tendresse et de secrets trop longtemps gardés. Des secrets dévastateurs qui avaient fini par éclater. Elle était née en Angleterre, lieu où elle avait résidé jusqu'à maintenant. Sa période en tant que bambin ? Selena n'en avait aucun souvenir, évidemment. Elle n'était même pas capable de se rappeler sa réaction, lorsqu'on lui apprît l'arrivée d'une petite sœur, quelques mois après sa troisième année. Certainement bien plus enthousiaste que celle que lui arrachait le fait même d'y penser à l'heure actuelle. Elle avait aimée Alice, s'était amusée à ses côtés, et même si elle ne supportait pas de se l'avouer, les souvenirs qu'elle avait fondés en compagnie de sa cadette étaient bien plus agréables qu'insupportables. En un sens.  « L'existence même de cet enfant est un supplice » songea-t-elle. Tout avait été beau. Beaucoup trop beau. Malgré l'étrangeté mentale de sa jeune sœur qui clamait sans cesse l'existence de son ami imaginaire, que Selena considérait bien plus comme une instabilité psychologique désormais.

Ce détail écarté, rien n'aurait pu compromettre la quiétude de l'enfance de la jeune femme. Jusqu'à cette vieille de Noël, l'année de ses dix ans. Comme d'ordinaire, elles descendaient au salon suite à une longue journée à jouer dans leur chambre commune.

« N'y pense pas, Selena. Ce serait stupide de ta part. »

Et pourtant. Les souvenirs lui revinrent au visage comme une gifle d'une douleur bien trop forte. Mordante. Inexorable et bien trop réelle.

« Cette enfant n'a rien de moi ! » avait hurlé son père.

Selena avait senti son ventre se nouer à cet instant. De qui parlait-il ? D'elle ? Elle en avait peur. Qu'avait-il à lui reprocher ? Curieuse, elle avait discrètement épié le reste de la conversation, sentant son cœur et son bonheur se fissurer au cours de celle-ci, pour finalement voler en éclats. Ce n'était pas elle. Il n'avait jamais été question d'un reproche quelconque vis-à-vis de l'enfant qu'avait été Selena. C'était Alice le problème. Et cette nouvelle n'avait été qu'un peu plus confirmée lorsqu'après avoir fait ses valises, la mère des deux jeunes sœurs avait quitté le domicile familial, entraînant avec elle la cadette en hurlant qu'elle ne désirait plus jamais avoir affaire à eux.

« Puis-je au moins réellement considérer cette femme comme ma mère ? »

Non, absolument pas. Et Dieu savait combien de temps elle aurait pu y croire si son père ne lui avait pas avoué que tout ce temps, il avait élevé une fille illégitime. Alice n'était pas son enfant. Sa femme avait cru bon d'aller voir ailleurs, d'aller trouver le bonheur dans les bras d'un autre homme, avait sali son honneur d'épouse en brisant la promesse de fidélité faite à son mari.

Longtemps, Selena avait refusé de s'admettre la vérité. Jusqu'à ce qu'un jour le chagrin ne ronge son paternel à un tel point qu'il en finît par mourir, abandonnant ainsi une jeune femme perdue de vingt-trois ans. Elle ne s'était toutefois pas accablée longtemps, avait préféré occuper son esprit plutôt que de pleurer un évènement qu'elle ne pouvait changer. Alors elle avait repris sa place, autant à la tête de leur demeure que dans son travail. Ce fût ainsi qu'elle devînt un membre du gouvernement. Elle s'y était attelée corps et âme, y avait placée toute sa volonté. Et elle avait réussi.

Désormais employée au service des Royaumes Unis, elle fût envoyée à Euphemia dans le but de renverser l'homme à sa tête et d'offrir au gouvernement le contrôle de ce jeu ayant pris une ampleur phénoménale.

✗ Ton arrivée à Euphemia et ta réaction :

Artemis jeta un coup d'oeil vague au bâtiment dressé face à elle. Sur sa façade, une simple mais nette information : "Mairie". Assurée, la jeune femme pénétra les lieux et s'y recensa en tant que nouvelle arrivante à DreamLand - tel qu'on le lui avait indiqué - , qu'elle trouva peu à son goût. Elle qui n'aimait pas les sucreries et autres niaiseries de ce genre, fût servie lorsqu'elle arriva sur une île qui lui semblait créée de toutes pièces par les caprices d'un enfant trop gourmand. Et elle sentît une nausée infâme lui prendre l'estomac et le crâne tandis qu'elle s'avançait vers le domicile qu'elle occuperait désormais.